Le Chant orthodoxe dans différentes langues

L’adaptation du Chant Byzantin dans d’autres langues, conduisant à la création de nouvelles traditions. (solidaires du tronc commun grec, ou au contraire, transformées en diverses traditions originales, de type populaire et nationale.) Nous allons passer en revue les différentes langues auxquelles le chant byzantin a été adapté au cours des siècles.

1. Le slavon


Le chant byzantin s’est d’abord développé dans la partie orientale de l’Empire Romain où la langue grecque était d’usage universel à cette époque. Avec la conversion au christianisme des peuples slaves dès la fin du 9e siècle, il fut entrepris la traduction des
textes liturgiques en slavon. De ce fait, il a fallu adapter les mélodies byzantines à cette nouvelle langue liturgique. Ainsi, à partir du chant byzantin grec, se sont développées de grandes traditions slaves de chant liturgique, notamment en Bulgarie, en Russie, en Ukraine et en Serbie. Les traditions de chant byzantin bulgare et serbe sont restées proches de l’original (leur similitude avec la pratique grecque de nos jours est très frappante); tandis qu’en Russie et en Ukraine le chant liturgique a pris peu à peu une nouvelle tournure, adapté au génie musical propre de ces pays, et transformé par d’importants apports venant de la musique occidentale, et ce dès le 17e siècle.



2. Le Roumain



Pendant plusieurs siècles, la seule langue d’adaptation du chant byzantin fut le slavon. Ainsi, même dans les territoires de la Valachie et de la Moldavie, c’est le slavon qui prédominait (à côté du grec) comme langue liturgique, dès le 14e siècle et jusqu’a la fin du 17e siècle. Ce n’est qu’au début du 18e siècle que la langue roumaine a remplacé le slavon, son emploi est donc relativement récent dans la célébration liturgique.

En Moldavie et en Valachie en particulier, qui se trouvent en la partie sud et est de la Roumanie actuelle, il existe aujourd’hui une tradition de chant byzantin en roumain très proche de la pratique grecque actuelle (alors que dans les régions de l’ouest, en Transylvanie et en Banat, le génie propre du lieu a conduit à un chant de type plus populaire ou d’influence occidentale, s’écartant beaucoup du chant original byzantin). Transcription des partitions de chant byzantin en notation occidentale : Dès la fin du 19e siècle, mais surtout à partir de la 2e partie du 20e siècle, en Roumanie, en Bulgarie, en Serbie et même en Grèce, des musicologues ont entrepris la transcription des mélodies byzantines en notation occidentale sur des portées. Auparavant, dans tous ces pays, des partitions en notation traditionnelle byzantine ont été développées. Cependant, la transmission étant essentiellement orale (la partition n’ayant qu’une fonction d’aide-mémoire...) l’exécution du chant byzantin est restée fidèle à l’ancienne pratique; (il est fréquent que les chantres ne suivent pas « à la lettre » la partition mais chantent selon la transmission orale).

3. L’arabe





Avant la conquête de l’islam, les arabes chrétiens orthodoxes ont célébré leur liturgie en grec, langue de l’Église et de la culture dans leur pays. Après la conquète islamique,la langue arabe commença à entrer progressivement dans les célébrations à côté du grec. Cependant,pour le chant liturgique, des difficultés ont persisté pendant de longs siècles.
En effet, l’arabe s’écrivant de droite à gauche contrairement à l’écriture musicale byzantine, il ne fut pas élaboré de partitions écrites des mélodies byzantines adaptées en arabe. La solution consistait soit à garder la pratique en grec, soit à improviser les chants en arabe, en suivant les mélodies byzantines. Ce n’est qu’à partir du début du 20e siècle qu’on réussit à créer des partitions des adaptations en arabe, d’abord écrites à la main puis imprimées depuis 1955.
Aujourd’hui la pratique du chant byzantin s’est généralisée dans les églises orthodoxes arabophones dépendantes du patriarcat d’Antioche ainsi que dans d’autres patriarcat d’orient (en gardant toutefois la pratique du chant grec occasionnellement).
Pour ces adaptations en arabe, le problème de la transcription en notation occidentale ne s’est pas posé car la culture musicale ambiante est majoritairement orientale. La manière d’exécuter ces chants cependant varie d’un endroit à l’autre, du style purement byzantin à un style beaucoup plus « arabisé ».

4. Le français





A la fin du 20e siècle, la création en France de monastères orthodoxes de tradition grecque mais de langue française a tout naturellement nécessité l’adaptation des mélodies byzantines au français. C’est surtout au Monastère Saint-Antoine-le-Grand dans le Dauphiné (créé en 1978) que ce travail a été entrepris, ainsi que par les Sœurs du Monastère de Solan dans le Gard. Ce travail se réalise en collaboration avec un groupe de musicologues, de traducteurs et d’interprètes. Les partitions sont élaborées en double notation byzantine et occidentale.

Dans d’autres endroits en France ainsi que dans plusieurs pays francophones, des groupes de musicologues et d’interprètes du chant byzantin se réunissent également pour élaborer des adaptations. Ces approches contribuent au développement du chant byzantin dans tous les pays francophones où l’Orthodoxie en langue française est présente (par exemple, en dehors de la France : au Canada, en Belgique, en Suisse; en Afrique : au Cameroun, au Congo, à Madagascar etc.). Aussi, la demande est-elle de plus en plus grande pour des partitions de mélodies byzantines adaptées au français.

5. L’anglais et d’autres langues.





Le travail d’adaptation du chant byzantin se développe en d’autres langues partout dans le monde, suivant l’implantation grandissante de l’Orthodoxie. En dehors de l’anglais, c’est l’allemand, le néerlandais,le hongrois, l’ukrainien, le finlandais, l’albanais, le coréen, les dialectes de l’Indonésie etc.; on retrouve partout la même préoccupation de créer tout un répertoire de chant liturgique de type byzantin en langue autochtone.
C’est surtout en Angleterre et en Amérique que beaucoup de partitions sont déjà réalisées, en double notation.
L’avantage de l’anglais est bien sûr son usage universel à notre époque. Mais les différents dialectes des minorités comme le créole en Martinique ou les dialectes malgaches de Madagascar ainsi que le provençal ou le breton en France sollicitent aussi la création de nouvelles adaptations de chant byzantin.
Chanter des hymnes divines dans sa propre langue est un désir pour tous les chrétiens, pour que la Parole soit « tout près de vous ».
L’adaptation du chant byzantin dans toutes ces nouvelles langues est toujours une création.
Pour remplir pleinement son rôle, elle doit tenir compte :
et de la pratique traditionnelle des grecs, pour bénéficier de la force vivifiante des racines des origines,
et de l’expérience des pays de tradition orthodoxe qui ont déjà réussi cette transplantation,
et du caractère propre de la langue d’adaptation.
C’est à ce prix que le texte sacré gardera sa primauté, car « la musique doit rester serviteur fidèle de la Parole ».